Dark Mode Light Mode
Dark Mode Light Mode

Veille #2 : fronts mouvants, cartes pointilleuses…


Réfugiés : les flèches de la discorde

L’exode des civils ukrainiens a réveillé des débats épineux de sémiologie graphique : doit-on vraiment représenter des mouvements de réfugiés avec ces flèches proportionnelles menaçantes, ce “même langage visuel que l’on utilise pour les envahisseurs”, s’interroge James Cheshire
Dans The Correspondant, Henk van Houtum explique, pas à pas, ce “piège des cartes migratoires”, sujettes aux récupérations xénophobes. Un piège sur lequel se penchent depuis de nombreuses années les géographes Françoise Bahoken et Nicolas Lambert.
Alors que The Economist préfère les bulles, Adina Renner (Neue Zurcher Zeitung) soutient l’intérêt des flèches, en proposant plusieurs variantes. Le cartographe Kenneth Field suggère d’humaniser ces symboles en les composant d’autant de points que d’exilés, avant de partager une carte plus symbolique que quantitative : un amas de points et de vides, rendant assez bien cette idée d’un pays qui se délite et se disperse.


Lignes de fronts mouvantes

Une invasion n’est pas beaucoup plus simple à représenter qu’un exil. Les premières cartes publiées dans les médias supposent l’existence d’un front linéaire et de territoires définitivement conquis. Or, faire avancer des chars sur une route ne signifie pas que l’on contrôle ces territoires. La carte animée proposée par Nathan Ruser souligne les axes routiers empruntés par l’armée russe, en réservant les aplats de couleurs aux régions effectivement occupées par la Russie ou ses alliés locaux (la Crimée et le Donbass).
Tout comme Die Zeit en Allemagne, Le Monde maintient l’idée d’un front flou, sans limite précise. La carte créée par Pierre Breteau montre bien l’évolution quotidienne de ces zones où les soldats de Poutine “mènent des opérations”. Le curseur, qui permet de visualiser la carte des jours précédents, est particulièrement efficace. 
Le Parisien a choisi de se focaliser sur le contrôle des villes, avec une source originale et probablement aussi fiable que l’“Institute for the study of war” : les données collaboratives de Wikipedia. La carte mise à jour quotidiennement indique les localités sous contrôle russe, ukrainien ou disputées.


Au Canada, des villes plus lâches et des routes plus denses

Les villes qui s’étalent au lieu de se densifier nuisent à l’environnement. C’est ce qu’explique Naël Shiab et Isabelle Bouchard sur le site de Radio-Canada. Leurs  cartes en 3D mettent en relief les zones urbanisées ces 20 dernières années autour des grandes villes du pays. Pour mesurer précisément cet étalement urbain, les datajournalistes ont utilisé un algorithme de reconnaissance automatique de zones construites sur des images satellites Landast 7 de 2001 et de 2020. Dans les zones urbaines canadiennes, la surface construite a augmenté de 34% alors que la densité de population a baissé de 6%. Or, c’est dans les zones les moins densément peuplées que l’usage de la voiture individuelle est le plus fréquent.


L’histoire pointilleuse de la population new-yorkaise

Au bout de 72 ans, l’administration américaine peut rendre publique l’ensemble des données individuelles d’un recensement de population. Une mine pour les historiens et les cartographes qui travaillent souvent avec des données sociales agrégées. L’agence de datavisualisation Stamen a réussi a redonner vie au New-York des années 1850 à 1910 en identifiant ses habitants selon leur origine. Les points ne sont pas répartis de façon aléatoire dans une aire de recensement ou un bloc, comme c’est le cas d’habitude, mais au logement près. Eric Brelsford raconte les défis techniques de cette carte, qui s’explore librement ou à travers quatre étude de cas.


Comment le Royaume-Uni se décarbonne

A l’heure où les pays européennes cherchent à atteindre une indépendance vis à vis de la Russie et des énergies fossiles, c’est le moment de se replonger dans ce format explicatif réalisé il y deux ans pour Carbon Brief par Rosamund Pearce, aujourd’hui data-journaliste à The Economist. Elle avait réussi à visualiser à la fois la répartition ds sites de production électrique et l’évolution du mix énergétique britannique. En dix ans, les éoliennes ont pris le pas sur les centrales à charbon et sur le nucléaire.

A quel point nos mondes s’échauffent

Les Echos publient une série de cartes inédites des effets attendus du réchauffement climatique, pays par pays, à partir des données du GIEC. Un travail colossal de traitement de données, détaillé par Tom Février, et qui prend en compte les trois prévisions, de la plus optimiste à la plus pessimiste. Cette représentation d’ensemble met en évidence l’augmentation très variable du nombre d’épisodes climatiques extrêmes selon les régions du globe.


Autopsie d’un château de cartes

Le Miami Herald revient sur l’effrondrement des tours Champlain, qui avait fait 98 victimes en juin dernier dans une petite ville de Floride. Dans un long récit bien documenté, mêlant cartes, modèles 3D, vidéos, le journal explique d’abord les erreurs de conception commises 40 ans plus tôt et liste les signes de fragilité apparus au fil des années sur l’édifice. Il décrit ensuite sur le déroulement du drame avec une précision chirurgicale, en maniant l’analogie du château de carte.


Quand les fausses cartes poussent à l’empathie

Vous vous souvenez sans doute de ces cartes publiées durant les incendies en Australie, superposant la surface dévastée sur notre territoire familier. C’est un moyen simple d’aider une audience à prendre conscience d’une étendue, plus efficace en tout cas qu’une valeur en km2. 
Cette méthode est reprise par le Washington Post pour permettre à ses lecteurs de se projeter dans ce territoire lointain qu’est l’Ukraine. Le journal place côte à côte une ville américaine et une ville ukrainienne de population comparable.
Julien Dupont, un dessinateur de “fictions cartographiques”, va plus loin en plaçant des villes françaises sur la carte de l’Ukraine, montrant Paris assiégée, Strasbourg occupée par des séparatistes et la Corse annexée.


Combien en équivalent Netflix ?

Et si on investissait dans l’immobilier au lieu de rester collé devant Netflix ? La cartographe Antonia Blankenberg se sert de la notoriété de la plateforme vidéo pour visualiser le coût moyen d’un logement en Irlande. Ainsi à Dublin, il faudrait économiser 4 838 ans d’abonnements à Netflix (un peu plus de 13€ par mois) pour devenir propriétaire, mais seulement 365 ans dans le petit village de Ballymote.