Ukraine : l’invasion racontée par les cartes
Depuis le 24 février, Lisa Charlotte Muth recense méthodiquement les cartes de l’attaque russe sur l’Ukraine. Elle relaie notamment ce format visuel du South China Morning Post. L’équipe d’Adolfo Arranz s’est toujours distinguée par son soucis de pédagogie, qui l’a conduit à multiplier les graphiques et les schémas détaillés. Cette approche a fait ses preuves notamment en 2020 dans un article expliquant le rapport de forces entre la Chine et l’Inde sur les hauteurs de l’Himalaya. Il permet de comprendre comment le rayon d’action des avions de chasse peut être sensiblement réduit par l’altitude des bases aériennes.
Les satellites au plus près des combats
Les images satellites haute résolution fournies par Maxar se multiplient sur les réseaux sociaux pour montrer l’avancée des troupes russes. Mais des sources plus conventionnelles permettent également de documenter des signes de combats visibles depuis l’espace.
Sotiris Valkaniotis, un géologue grec, a publié plusieurs clichés traités à partir des données Landsat 8, dont les capteurs permettent d’identifier, avec une résolution de 30 cm, des « points chauds » à la surface de la terre. Au propre comme au figuré dans ce cas précis : les zones colorées en rouge sont probablement des incendies provoqués par les combats en cours à Kryvyï Rih, au sud du pays.
Des données ouvertes en mal d’archives
L’agence barcelonnaise 300.000 Km/s avait documenté les débuts de la guerre dans le Donbass, il y a 6 ans, avec une série de cartes synthétisant l’ensemble des données publiques disponibles sur cette région. Le projet DataWar a été exposé à Venise lors de la Biennale de 2016. Une partie des bases de données utilisées à l’époque n’est plus accessible, observent les concepteurs du projet dans un thread sur Twitter. En revanche, les données d’OpenStreetMap se sont enrichies, et d’autres bases de crowdsourcing ont vu le jour ces dernières semaines, comme la Russia-Ukraine Monitor Map, initiée par le Center for Information Resilience.
Les vidéos sociales et leur contexte
Les premiers témoignages des zones de guerre proviennent désormais plus souvent des soldats et des civils, publiant leurs vidéos sur TikTok ou Instagram. Le premier réflexe des rédactions est de vérifier leur provenance et de les mettre en perspective. Mais comment les mettre en récits ? Le Neue Zürcher Zeitung propose une solution cartographique réussie dans ce long format sur la situation en Ukraine.
Injustice sociale des îlots de chaleur…
Grâce aux données Landsat 8, on mesure à quel point la hausse des températures va rendre invivables les quartiers urbains les plus « minéraux », dépourvus de végétation. Cédric Rossi et Philippe Rivière sont allés plus loin en comparant les îlots de chaleur avec les données sociales de l’Insee à l’échelle des carreaux de 200m. Le résultat est efficace et leur série de série de cartes interactives souligne une forme d' »injustice climatique » dans de grandes villes françaises comme Toulouse, Lyon ou Marseille (j’avais tenté un exercice similaire, moins abouti, à Rennes il y a quelques mois).
…aggravée outre-atlantique par la discrimination
Le phénomène est beaucoup plus flagrant aux Etats-Unis, où les discriminations raciales et la ségrégation résidentielle ont longtemps été officialisées par la pratique du « redlining« . Parmi les inégalités qui en découlent : le niveau de végétalisation des quartiers, outil de lutte contre les îlots de chaleur. Dans de grandes villes comme Détroit ou Baltimore, les quartiers pauvres et noirs ont longtemps été exclus des investissements paysagers. Le New York Times en a fait une démonstration très convaincante en juin dernier.
Oberhaeuser visualise les ressources et la consommation
On passe à l’échelle mondiale avec cette carte par anamorphose du Bureau Oberhaeuser, une agence de design d’information installée à Hambourg. La taille des pays est ajustée en fonction du niveau de consommation de sa population et des ressources intérieures du pays. Un carte terriblement esthétique mais assez dense, qu’il faut accrocher au mur pour prendre le temps de l’explorer.
Elections : redessinez, c’est gagné
Aux Etats-Unis, le « gerrymandering » est l’un des casse-têtes favoris des gouverneurs pour s’assurer des sièges à leur parti dans les districts où l’électorat lui est devenu moins favorable. Le rédécoupage des périmètres électoraux a fait l’objet de nombreux formats explicatifs visuels très réussis, dont celui de FiveThirtyEight, qui utilise un algorithme pour redessiner la carte électorale en fonction des objectifs recherchés. Pour comprendre cette mécanique complexe, le New York Times a conçu un jeu dans une ville imaginaire, Hexapolis, où vous pouvez dessiner à loisir vos districts afin de vous assurer la victoire.
Fonds européens : l’enjeu des frontières régionales
En parlant de redessiner les frontières, cette démonstration de Maarten Lambrechts parue dans The Pudding il y a trois ans est remarquable. Certains fonds structurels européens étant réservés aux régions les moins avancées, le développement économique rapide des grandes villes d’anciens pays du bloc soviétique, comme Varsovie, risquait de rendre inéligible à ces aides des régions entières, pourtant en difficultés. La Hongrie a fini par créer une entité administrative nouvelle pour l’agglomération de Budapest, à l’image la Pologne avec Varsovie ou encore la Littuanie avec Vilnius.